top of page

Le kusen est la parole partagée par le maître zen à ses disciples et aux pratiquants pendant zazen, la méditation assise silencieuse, cœur de toute la pratique bouddhique mahayana [1].

Zazen est la pratique de la méditation assise silencieuse. « Za » signifie « assis, posé » et « zen », « méditation, recueillement ». Elle consiste à s’asseoir et à réaliser sa présence, sa bouddhéité. La bouddhéité représente cette pureté originelle que chacun est au fond de lui en tant qu'être sensible, vivant en harmonie avec ce qui l'entoure et à ce ce qu’il est,  à chaque instant en pleine conscience ; c’est notre sagesse incréée, éternelle, notre visage originel, ce que nous sommes au plus vrai de nous-même.

Dans notre tradition zen, et particulièrement dans l'école Sōtō, certains maîtres enseignent pendant même que les disciples sont silencieusement recueillis dans l’absorption méditative de zazen.

C’est donc une parole intime qui s’offre au silence éternel de l’assise méditative. Là où n’est que présence et vérité. Le maître offre alors, de cœur à cœur, son propre esprit, nu, sans protection et sans masque à ceux qui cheminent à ses côtés dans l'exercice de zazen et cet enseignement ne doit jamais être préparé, il jaillit du réel de l’instant et s’offre non pas comme un savoir, mais plutôt  comme l’expérience partagée de la Voie.

« Ku » signifie « la bouche » et « sen », « l’enseignement ». C’est un langage secret, c’est ce que le maître murmure avec bienveillance au coeur de ses disciples. Le maître enseigne, mais il enseigne parce qu’il a été et est encore enseigné par ceux-là même à qui il enseigne. Il ne se place pas en être supérieur qui sait, mais en disciple parmi les disciples, qui reçoit l’enseignement de toute chose et le partage en héritage à tous les êtres. En effet, dans le kusen, le maître parle aux méditants comme s’il lui était donné une dernière fois de leur laisser la parole la plus précieuse. C’est un testament d’amour sans cesse renouvelé dans le réel de l’existence. Le Bouddha lui-même enseignait de la sorte : au creux de l’ordinaire de la pratique de la Voie, il offrait une parole spontanée jaillie de sa simple compréhension, dans l’ici, tel quel. Cette compréhension de la vie, du monde, des phénomènes et des êtres, changeait et s’adaptait chemin faisant.

Ainsi on ne suit pas le maître zen ; mais on peut suivre ce que le maître suit. C’est ce qui se réalise dans le kusen ; ces mots sont comme un hameçon qui permet d’aller au-delà des illusions et de comprendre que tout nous comble et nous enseigne là, sous nos yeux, à chaque instant.

Cette parole de cœur à cœur se passe du savoir des écritures, de l’intellect et de l’érudition ; c’est le cœur même du maître qui est offert en témoignage et avec lui la tradition du zen Sōtō transmise par les innombrables patriarches qui l'ont précédé, remontant le fil ininterrompu de la transmission jusqu’au Bouddha.

Le langage du kusen est direct, sans exégèse et sans principes religieux. Il s’inspire de la merveille de l’instant présent et transforme l’ordinaire en éternité. Il n’est même pas nécessaire de le comprendre ou d’essayer de le retenir. C’est tantôt  une brise légère, tantôt une tempête. Tantôt une fleur délicate tantôt un sabre tranchant. La graine de la pratique du maître qui fleurit dans la présence du disciple.

Mais c’est aussi un langage fragile car il n’est pas préparé à l’avance, il vient du cœur de la méditation même du maître, spontanément, comme le sourire ou les larmes sincères. Ses répétitions, ses hésitations, ses images, parfois très fortes, parfois choquantes, parfois tristes, ses erreurs mêmes en sont la force. Le ton, le débit, l’allure, les pauses et le style des paroles sont propres à celui qui enseigne.

Aussi le maître s’exprime-t-il avec son temps, dans le siècle où il vit et s’adresse aux femmes et aux hommes de son temps. C’est ainsi que l’enseignement bouddhique demeure vivant et pur.

Plus que jamais aujourd’hui, dans un monde où nous cherchons par tous les moyens à fuir le réel pour trouver toutes sortes de paradis, l’enseignement des maîtres zen pendant zazen est une incroyable invitation à venir prendre place au festin du Présent.

 

Aussi s’accomplit la parole du grand maître Dôgen Zenji :

« Pratiquer la Voie du Bouddha s’est se pratiquer soi même ; se pratiquer soi même s’est oublier tout ce que l’on croit savoir sur soi-même jusqu’à s’oublier soi-même ; s’oublier soi même c’est permettre à toute chose de nous enseigner ».

 

C’est ainsi que j’ai grandi dans le zen depuis plus de vingt ans.

C’est ainsi que je transmets le zen.

 

La beauté de la lune, la danse du vent, qui pourrait les décrire ?

(Federico Dainin Jôkô Sensei – maitre zen Sôtô

Extrait du livre "Boire la lune, chevaucher les nuages",

carnet de méditation zen aux Editions Hachette)

 

[1] Le bouddhisme mahayana est une des deux grandes familles bouddhiques (Théravada et Mahayana). Différent du Théravada, la Voie des Anciens, qui se concentre sur la vie ascétique, l’effort personnel et le renoncement au monde, la Mahayana, la Grande Voie, transmet l’enseignement du Bouddha par une pratique subite et concentrée dans l’absorption méditative, sans renoncement au monde et sans effort mystique ; l’éveil y est enseigné non pas comme un but à atteindre sur de nombreuses vies, mais comme la nature véritable de chaque être déjà en nous et déjà parfaitement réalisée dont il est simplement nécessaire d’en faire l’expérience profonde et de la révéler. Aussi si dans le théravada le Nirvana est l’extinction de l’existence et la fin du cycle des réincarnations, dans le mahayana le Nirvana n’est autre que notre existence pleinement libérée et vécue sans illusions et sans entraves ici et maintenant, sereinement, au cœur du monde, dans l’histoire qu’est la notre et avec ce que nous sommes. Les deux plus grandes écoles connues dans le bouddhisme mahayana sont le Bouddhisme Vajrayana (souvent appelé de manière simpliste le bouddhisme tibétain, alors que son extension est bien plus large touchant Tibet, Népal, Inde, Boutan, …..) et le bouddhisme Zen dont le développement a été majoritairement puissant en Chine, en Corée, au Japon et depuis 50 ans en Occident.

KUSEN

la parole

de COEUR à COEUR

Kusen donné un soir de zazen avant les maraudes de rue.

Kusen donné un soir de zazen avant la cérémonie des préceptes.

Kusen en commentaire au Genjo-Koan de Maitre Dôgen.

Kusen donné un soir de zazen avant une rencontre inter-religieuse.

Please reload

bottom of page