top of page

Shojin Ryori

la cuisine de l'élévation spirituelle

 la Voie de la Nourriture 

Pour connaitre tous nos évènements liés à la pratique de la cuisine zen

(ateliers, repas méditatifs silencieux, repas de cérémonie, repas engagés) ,  

inscrivez vous à notre news-letter et suivez-nous sur notre page Facebook 

  • Facebook Social Icon

Le Maitre Zen Federico Dainin Jôkô Sensei

organise également des ateliers de cuisine et des repas silencieux méditatifs du gout du zen

en entreprise où le succès de cette expérience est de plus en plus grandissant, ainsi que dans le milieu associatif.Et bien entendu dans notre dojo et lors des retraites de méditation zen.

N'hésitez pas à nous contacter et à en faire la demande à cette adresse mail:

Le ZEN est une pratique spirituelle qui trouve son essence dans l'art de la méditation assise, ZAZEN. Véritable expérience du réel, zazen illumine toute notre vie, et nous plonge dans une philosophie de l'existence à part entière.
Cette philosophie de vie, qui trouve son jaillissement et son inspiration dans la vie et l'expérience de l'Éveil du Bouddha Shakyamuni et des grands maitres du Mahayana qui lui ont succédé, irradie notre réel et en fait le temple et le temps où nous pouvons vraiment nous accomplir et noue révéler.
L'axe le plus prégnant de cette pratique est l'unification corps-esprit ; dans le bouddhisme zen on ne médite pas pour aller au delà de la vie, ni pour s'extraire de l'existence réelle, mais tout au contraire pour incarner pleinement ce que nous sommes, notre histoire et toutes les dimensions de notre vie. Le corps est donc le lieu où, par excellence, advient ce que nous sommes, notre réalisation et l'accomplissement de notre éveil.
Parmi les nombreuses pratiques qui, depuis des siècles, émanent de zazen et illuminent la vie, la pratique liée à la nourriture est fondamentale.
Nourrir le corps est tout aussi important que nourrir l'esprit.
Les deux nourritures se soutiennent et s'interpénètrent.
Voici un texte de Federico Dainin Jôkô Sensei lors d'un enseignement donné en 2016 au dojo un jour de cérémonie en présence de Mari Fuji, héritière et maitre de transmission de la Shojin Ryori, la cuisine des temples zen:
"Il n'est rien qui ne nourrisse pas notre vie.
Nous vivons de la manière dont nous mangeons, c'est sans doute pour ça que le zen accorde une telle importance à la nourriture et en fait une pratique à part entière, pratique très bien incarnée, entre autre, par la Shojin Ryori, 精進料理, que je traduis par "La cuisine de l'élévation spirituelle", "La cuisine de la dévotion".
C'est toujours intéressant d'étudier les caractères japonais qui composent un concept. Sho-jin peut se traduire de différentes façons ; on peut comprendre "quitter le souillé" "Aller vers la sérénité", ou encore "effort enthousiaste, généreux".
Ryori est la cuisine dans le sens de l'action de préparer la nourriture.
"La cuisine enthousiaste" , "La nourriture spirituelle", "La cuisine de l'enthousiasme", "La nourriture du don de soi", voilà autant de façons correctes de traduire le concept de la Shojin Ryori.
Nous vivons comme nous mangeons et donc, inévitablement, nous mangeons comme nous vivons. L'importance que le zen donne à la nourriture nous en enseigne long sur nos vies. 
Nous ne nous nourrissons plus, nous avalons la nourriture. "On mange". "On bouffe".
Nous ne nous nourrissons plus du monde, de la nature, des autres. On les avale, on les mange, on les bouffe. Et réciproquement.
Quand nous en avons envie, et comme nous en avons envie, sans savoir même pas ce qui rentre en nous, ce qui nous fait.
Quand est-ce la dernière fois que vous avez vraiment ressenti le gout d'une tomate, sa consistance, l'eau qui l'imprègne, et tout ce qui fait cette tomate aussi, la terre, le soleil, les éléments, les pépins féconds, les mains qui l'ont semée, cultivée, ramassée et préparée?
Quand est-ce la dernière fois que vous avez vraiment ressenti tout ce qui habite la présence d'un être en face de vous, ses mots, son histoire, son regard, ses gestes, son émoi?
Nous avons perdu le gout d'une tomate.
Nous avons perdu le gout du monde.
Nous avons perdu le gout des autres.
Nous sommes le plus souvent déconnectés de ce que nous mangeons et plus généralement de ce que nous vivons, déconnectés donc de la vie, du réel et de l'interdépendance avec le monde.
Déconnectés des autres même si nous les côtoyons ; déconnectés de l'univers merveilleux contenu en une framboise même quand la mangeons.
A cela s'ajoute l'ennui d'une société qui ne sait plus s'émerveiller de l'ordinaire et du très simple, et cet ennui nous pousse tous à vouloir plus et différemment, à changer les choses, à ajouter des condiments, sel, sucre, sauces, assaisonnements, un peu comme nous le faisons avec nous mêmes en enjolivant nos vies, en nous inventant d'autres vies, en portant des masques.
Et puis il y a l'avidité d'un monde de plus en plus égocentré.
Nous voulons tout avoir en même temps au grès de nos envies, et cela car nous avons perdu le gout de l'harmonie avec l'univers. C'est pour ça que ça ne choque plus personne de manger une tomate ou une fraise au mois de décembre.
Et c'est our cette raison aussi que peu de gens de nos jours attendent avec impatience une saison pour plonger dans l'émerveillement d'un fruit tant attendu.
Quand j'étais petit j'attendais avec impatience l'été pour deux raisons: les lucioles et les cerises. Et cette joie nourrissait ma vie au delà même du fruit.
Tout ceci risque de nous rendre malades. Profondément malades. Et nos sociétés le sont. De plus en plus.
Malades dans un corps déséquilibré et désharmonieux - repliés, egocentrés et terriblement tristes et blasés. Malades d'un esprit égotique et avide. Malades et affamés bien que privilégiés et ne manquant de rien. Paradoxe.
La cuisine zen répond à tout ce mal-être que le plus souvent nous portons en nous sans même pas en avoir conscience.
Nous nous avalons réciproquement et nous avalons la vie, la notre et celle des autres. Nous ne sommes plus en harmonie avec les saisons et les éléments, avec autrui et avec le monde. Nous passons en ce monde sans prendre le temps, le gout et la consciences des choses.
La cuisine zen nous appelle à nous poser. Nous assoir. Et recommencer tout depuis le début. Ce début est le fait de prendre soin de nous, ou plutôt réapprendre à prendre soin de nous ; de ce soin que nous portons à nos vies se déploie sans effort le soin que nous portons aux autres et au monde. Naturellement.
Puis , tout en prenant soin de nous, nous développons l'harmonie par des principes très simples ; nombreux de ces principes sont tirés du savoir ancestral chaman et de la médecine chinoise, savoir que nos propres grands parents avaient eux aussi, peut être par la force des choses d'un autre monde, et du lien avec la Terre. Revenir à nous nourrir de ce que chaque saison nous offre, conscients que ce qui nous est offert de saison en saison est exactement ce dont le corps a besoin, déploie en nous une grande humilité, facilite la patience et nous aide à apprendre à savoir recevoir ce qui se présente devant nous au moment même où cela se présente. 
Enfin, le savant art de la Shojin, nous ramène à faire l'expérience du gout, et à différents niveaux. Le goût du zen.
Tout d'abord par un crédo incontournable, celui du gout réel des choses. Il s'agit de cuisiner en révélant et non pas en couvrant ou altérant le gout des aliments. Puis une invitation à saisir toute la complexité et l'étendue du monde à travers les saveurs, les 5 saveurs fondamentales (iodé, doux, piquant, amer et acide), les couleurs, les saisons, la consistance, la texture, les cuissons ; et laisser s'ouvrir en nous la possibilité que tout ce qui est différent cohabite harmonieusement en nous et tout autour de nous et nous enseigne la mansuétude et l'accueil serein de la vie telle quelle.
Nous apprenons à laisser exister les autres et les choses tels qu'ils sont.
Nous apprenons à laisser libre le Vivant en toute chose et en tout être.
Nous apprenons à laisser la place pour que tout puisse s'épanouir.
Manger se transforme alors en "être nourris".
Mais le miracle véritable advient lorsque nous comprenons vraiment que non seulement tout nous nourrit, de l'assiette jusqu'aux moindres expériences de notre vie ; le miracle se produit lorsque nous réalisons que nous sommes nourriture pour les autres aussi. Cette éthique est fondamentale dans la cuisine zen : nous laisser nourrir par le monde, pour nous élever et nous approfondir, et pour nourrir le monde de nous mêmes. C'est le miracle du don qui s'opère où, celui qui donne, ce qui est donné et reçu et celui qui reçoit ne se distinguent plus.
De cette danse, de ce cercle vertueux se déploie l'enthousiasme, la gratitude qui changent fondamentalement nos vies, et le monde. C'est le coeur même de l'écologie spirituelle, le coeur même de l'écologie tout court.
Assis, silencieusement nous recevons dans nos assiettes l'univers tout entier ; nous devenons vivants et vivifiants rien qu'en cela.
Le Tout est contemplé dans la diversité, et dans ce Tout il y a TOUT ce qui nous fait, nos parents, nos ancêtres, nos maitres, nos amis, nos ennemis, nos échecs, nos réussites, les phénomènes, les éléments, nos sombres, nos lumières, nos amours et nos abandons, le iodé, le sucré, le piquant, l'amertume et l'acide ; la Vie, le Vivant.
Silencieusement, prenant le temps, nous laissons les saisons et la terre, les ancêtres et tout ce qui fait nos vies nous nourrir ; nous sommes le Vivant.
Silencieusement nous apprenons à accueillir le goût des choses et à cultiver le gout de notre présence, de notre vie et des autres, tels quels ; nous protégeons le Vivant.
Silencieusement nous recevons les forces et la santé nécéssaire pour oeuvrer en ce monde et devenir nourriture bienveillante pour les autres ; nous sommes pleinement la Vie.
Et il y a la fadeur, cette saveur si particulière et si chère à la cuisine zen.
La fadeur en Occident évoque quelque chose de négatif, de raté, d'inintéressant.
Dans le zen elle est le coeur même de l'expérience à la fois culinaire et spirituelle.
La fadeur est indispensable, elle est le repos nécéssaire pour que toutes les autres saveurs puissent se révéler. Il nous faut savoir apprendre à être fades aussi, pour laisser le gout des autres se révéler et exister, être fades joyeusement sachant seulement qu'on ne sait rien, et que tout est encore possible et neuf.
J'aime dire que le visage véritable du pratiquant du zen est le visage de la fadeur, visage de mansuétude. 
Cette pratique fait donc de nous la Vie qui répond à la Vie par la Vie en protégeant la Vie. Et c'est merveilleux."

--- Federico Dainin Jôkô Sensei

Les 5 contemplations

du repas zen

prendre place au festin de l'Univers

présents et en pleine conscience

Ce texte est l'extrait fondamental du Sutra qui est chanté

tout au long des repas dans la tradition du bouddhisme zen.

Cette traduction/interprétation est de Federico Dainin Jôkô Sensei ; en cursif le texte traduit littéralement, le reste est ajouté par Sensei pour expliciter le sens de chaque stance.

Cette version est la version que nous chantons pendant les repas de nos retraites et/ou repas méditatifs de cérémonie, au dojo et en tout lieu où cette pratique est transmise.

 

Comment cette nourriture est parvenue jusqu’à moi ? D’où me vient-elle ? Ma reconnaissance ne peut être qu’illimitée ; de l’ancienne terre millénaire, par les éléments et par le travail des hommes jusqu’à celui qui l’a confiée à mes mains, ma gratitude est immense.

Ce don s’offre à moi au-delà de ma générosité ou de mon égoïsme, au-delà de mes pensées, de mes paroles et de mes actes bienveillants ou pas, il s’offre à mon existence, il me nourrit, il me soutient. Mon amour pour ce monde, et ce que j’accomplis chaque jour font de moi un être digne d’un don si précieux ?

Puissè-je réaliser qu’au-delà de « j’aime et je n’aime pas », au-delà de ce que je suis, au-delà de ce que le monde est, la vielle terre sans âge, cette terre bien souvent ignorée ou malmenée, ne cesse d’offrir de nouveaux fruits pour que je vive.

Ma gratitude est immense. Puissè-je voir dans mes gestes les gestes de celles et ceux qui aux jours de mon enfance ont préparé à manger pour moi, m’ont soigné et m’ont nourri ; les gestes de celles et ceux qui aujourd'hui encore de partout où je me rend me nourrissent ; que cette nourriture prise dans le respect et dans la bienveillance les nourrisse, eux, de ma reconnaissance, et que mon corps et mon esprit soient tous deux en santé et en harmonie, pour que je sois nourriture sereine pour le monde.

Enfin, me relevant de cette place que je puisse ne laisser de moi que des traces de bonté et de beauté, et que la force et l’énergie que je reçois de l’univers m’aident de jour en jour à être une femme, un homme, concentré, patient, heureux, épanoui, compatissant et aimant. Pour mon bien et pour le bien de tous les êtres.

 

“Nous devenons ce que nous mangeons. Tout comme le monde n'est autre que ce

par quoi nous le nourrissons.

C'est cela la pratique de la Cuisine Zen".

--- Federico Dainin Jôkô Sensei

— Federico Dainin Jôkô Sensei

Protéger la Vie.

Vénérer le Vivant.

La pratique de la cuisine dans le zen, ne se limite donc pas à une alimentation saine, bio, végétarienne ou végane , ni aux effets de mode qui peuvent découler de cela. D'ailleurs ni le végétarisme, ni le "véganisme" ne sont exigés, ou requis dans la pratique du bouddhisme zen de manière dogmatique et absolue.

Les textes mêmes sont parfois discordants, certains autorisant la consommation d'animaux, d'autres l'interdisant fermement.

Sachant que les premiers Sutras (enseignements transmis depuis le Bouddha Historique) ont été écrits 200 ans après la mort de l'Éveillé, absorbant déjà interprétations, usages et coutumes et éthiques diverses, il est important d'user des textes avec discernement et bonté.

Néanmoins nous pouvons trouver des textes très clairs quant à la non-consommation de la viande dans la Voie du bouddhisme Mahayana:

Le Soutra de l’entrée à Lanka, écrit à peu près ceci :
"Pour ne pas devenir source agressive et agitée, les êtres d'éveil établissent dans la bienveillance tous les aspects de leur vie, ils ne mangent pas de nourriture carnée. […] Les bêtes féroces se nourrissent avidement de viande et déploient férocité et avidité ; il n'est pas bon pour les êtres d'éveil de manger la chair des animaux.  […] On tue des animaux pour faire profit, on échange des biens pour de la viande. On tue, on fait commerce de la vie, et tout cela produit des conséquence terrifiantes."

Dans le Soutra du Parinirvana, on attribue ces mots au Bouddha :

"Se nourrir de viande détruit la vaste compassion infinie pour tous les êtres" (...) écartez-vous de la nourriture carnée, tout comme vous vous écarteriez de la chair de vos propres enfants".  

 

De nombreux maîtres ont condamné la consommation de chair animale, d'autres mangeaient de la viande.

Depuis l'époque du Bouddha, bouddhisme et végétarisme (le végétarisme existait bien avant l'avènement du Bouddha Historique) se sont côtoyés et bien souvent ils ont participé à dessiner une seule et même voie éthique fondée principalement sur la compassion envers tous les êtres vivants. Tous.

La véritable question est celle de notre étique de vie. Par exemple le premier précepte bouddhique. Il est souvent traduit maladroitement par "Ne pas tuer" à la manière des 10 commandements.

Or, la traductions la plus exacte et la plus profonde du premier précepte est, à mon sens, celle-ci: Protéger la Vie, vénérer le Vivant.

Se limiter à "ne pas tuer" nous permettrait de manger une viande que nous n'avons pas occise , ou a en manger de mort naturelle. Exprimé de la sorte, ce précepte se limite juste à interdire une action.

Mais, "Protéger la Vie, Vénérer le Vivant", c'est un choix éthique d'existence qui déploie toutes les latitudes possibles de la compassion.

Protéger la vie signifie non seulement ne pas tuer, ne pas prendre la vie d'un autre être vivant, mais considérer que toute forme de vie est digne de mon respect et de mon amour, de ma compassion, au même titre que ma propre vie.

Protéger la Vie signifie que je ne puis me nourrir des autres êtres vivants sur mon seul vouloir subjectif et que rien ne hiérarchise ma vie par rapport à la vie d'un autre être.

Vénérer le Vivant signifie comprendre et participer à ce que toute vie se déploie librement ; signifie réaliser que la vie d'un ami, d'un proche, d'un agneau ou d'une abeille ne sont pas séparés de ma propre vie, ni distincts, ni différents, ni extérieurs.

Tout ceci vient bien avant les considérations (légitimes et nécessaires) d'élevages criminels ou de traitements indescriptibles envers les animaux puisque nous pourrions choisir d'être carnivores et de ne consommer qu'une viande traçable, bio, élevée en plein air. L'éthique bouddhique va bien plus loin.

Il s'agit de considérer que toute vie est La Vie et qu'aucunement je n'ai de droit sur une Vie qui n'est d'ailleurs autre que moi.

Nous pourrions considérer que la science explique aussi ô combien ingérer des toxines animales n'est pas si bon que ça. Mais la science est également divisée sur ce sujet.

Cette dissonance a toujours existé dans le bouddhisme.

D'ailleurs dans la pratique monastique de la mendicité, et depuis l'époque du Bouddha, la seule chose qui semblait inquiéter les moines dans le cas où on offrait de la viande et du poisson dans leurs bols de mendicité, semblait être de savoir si ces animaux avaient été tués pour eux ou pas, inquiets donc de ne pas être la cause de ces vies prises.

Ce qui a intéressé le plus le Bouddha et les grands maitres après lui n'était pas ce qui entrait dans le bol à aumône, mais l'apprentissage de devenir réceptacle du don sans choisir, sans dépendre de nos envies.

Cette question ne se limite donc pas à savoir si on doit ou pas manger de viande.

La question fondamentale est celle de l'amour infini, cultiver la compassion universelle. Protéger la Vie, Vénérer le Vivant. 

Attitude qui est impossible à imposer.

C'est un choix intime, une éthique personnelle qui n'existe pas en tant que dogme ou que morale codifiée dans le bouddhisme zen.

Ce qui en revanche demeure condamnable et inacceptable c'est le fait de tuer par profit, par plaisir, ou par sport (la chasse, la pêche comme sport sont une aberration dans l'éthique bouddhique).

Le Bouddha était sans aucun doute végétarien (bien que certains textes relatent qu'il mangeait également de la viande si elle lui était offerte ou préparée), mais pas uniquement par choix religieux ou spirituel, il s'agit aussi de culture et de socle éthique ; pour les gens de son époque, et pas uniquement en Inde, la viande ne faisait pas partie de l'alimentation profane courante. La viande était avant toute chose offerte, voire partagée, prioritairement dans le cadre de sacrifices divinatoires. Il était inimaginable à l'époque du Bouddha de tuer une bête pour simplement se nourrir ou en vue de profit personnel. (Dans la pratique védique "sacrifier" n'étant pas "tuer").

L'enseignement du Bouddha prend essence en de nombreux piliers éthiques dont celui de la non violence. Et donc de la compassion. Voilà ce qui apparait clairement dans ses enseignements, l'intolérance de toute forme de violence envers tout être vivant, et le sacrifice étant un acte sanglant d'extrême violence c'est bien cela qui est en question.

Le végétarisme était donc l'attitude naturelle d'une époque (tout comme dans la Grèce antique et dans de nombreuses autres cultures) où la viande n'était pas concevables en dehors du sacrifice religieux et cosmique, sacrifice sanglant.

C'est donc dans une éthique globale basée sur la bonté magnanime et sur la mansuétude que le végétarisme se développa dans l'enseignement du Bouddha, qui fut, disons-le, le principal propagateur de ce respect absolu de toute forme de vie.

Dans la "corbeille" des règles éthiques enseignées par le Bouddha et par ses premiers disciples de maitre à maitre jsuqu'à aujourd'hui il est néanmoins de nombreux versets qui ne dogmatisent pas le végétarisme ni qui stigmatisent l'alimentation carnivore comme, hélas, certains courants modernes, y compris spirituels et bouddhiques, le font.

« Poisson et viande sont purs si les trois points suivants sont respectés : on n'a pas vu, ni entendu, ni suspecté [qu'ils ont été tués spécifiquement pour le moine]. »

— (Vinaya, 3:171-72)

Le Vinaya d'ailleurs, relate très clairement, sans ambiguïté aucune , que le Bouddha s'est toujours refusé d'imposer le végétarisme à ses moines. En témoigne d'ailleurs le récit de la première tentative de schisme, où le désaccord majeur entre Devadatta et le Bouddha est bien cette 5ème règle d'interdiction de nourriture carnée que Devadatta voulait imposer à la communauté.

Parallèlement, et successivement, les textes du bouddhisme mahayana se sont enrichis de Sutras dans lesquels le Bouddha condamne catégoriquement l'alimentation carnivore.

Aussi, dans le Soutra de l'entrée à Lanka, l'un des sermons prononcée par le Bouddha Shakyamuni il y a 2 500 ans, repris par les écoles bouddhiques défendant le végétarisme, on peut lire :

« Hélas, quelle sorte de vertu pratiquent ces êtres ? Il se remplissent le ventre de chair animale en répandant la crainte chez les bêtes qui vivent dans les airs, dans les eaux, sur la terre ! […] Les pratiquants de la Voie doivent s'abstenir de viande, car en manger est source de terreur pour les êtres. (...)»

Il ne s'agit pas la de contradictions, mais d'évolution, d'interprétation, et de relation entre les disciples et la réponse de l'Éveillé ce qui signifie simplement que toute éthique de vie doit être un choix personnel et intime naissant de la vision profonde des choses et non pas de simples règles à suivre aveuglement.

Il y a bien entendu la question végane qui se pose parallèlement.

C'est un jusqu'au-boutisme noble et qui fait sens. Mais aucun texte n'évoque l'interdiction de ce qui vient de l'animal.

 Le lait, le fromage les oeufs le yaourt la crème n'ont jamais été interdits dans aucun texte synoptique et sont un choix encore plus de l'ordre de l'intime et du personnel.

Faire le choix végétarien ou végan, est un cheminement intérieur, un retour à l'écologie spirituelle et l'orientation spirituelle d'amour et de compassion pour tous les êtres. Mais je pense qu’il est important de ne pas être trop borné à ce sujet. Il y a bien des véganes , y compris bouddhistes, moines et nones et mêmes des tenzo, obsèdes par leur alimentation et intolérants aux choix d'autrui alors que pour d’autres sujets ils ne sont pas si bienveillants et amicaux, compatissants et aimants envers les autres êtres vivants, y compris les autres êtres humains.

Dans la cuisine zen de La Montagne Sans Sommet, comme dans de nombreux temples et dojos au Japon ou en Occident, les produits provenants des animaux sont consommés dans la gratitude et la reconnaissance et dans le plaisir aussi de la tradition de notre terroir et culture occidentale. En revanche de préférence des produits traçables, produits avec éthique et respect et bio.

Cette éthique du respect de la Vie, du Vivant, commence par la façon dont nous nous nourrissons-nous. C'est par nous même qui se manifeste et se déploie la compassion. 

L'esprit véritable de la cuisine zen c'est de se nourrir de bonnes choses pour le corps et pour l'esprit, sans le faire par névroses ni par avidité.

La qualité et l'origine , la source défaite de la souffrance inutile, et aussi la sobriété, manger ce dont nous avons besoin, ce que la nature nous propose spontanément et dans le partage et la gratitude.

“Réapprendre à nous nourrir c'est réapprendre à nous nourrir du monde et à découvrir pour de bon le goût de l'autre.”

— Federico Dainin Jôkô Sensei

--- Federico Dainin Jôkô Sensei

Nourrir

le Monde Joyeusement

Voici un extrait qui me tient particulièrement à coeur tiré du Tenzo Kyokun, (les instructions de Dogen au maitre de cuisine) :

"Dans leurs différentes tâches, tous les pratiquants au tour du foyer, chargés de nourrir, doivent entretenir [en eux] la joie, la bonté et la largesse."

Shojin Ryori n'est pas "faire la cuisine". Ni faire une cuisine inspirée des temples zen. Ni encore moins cuisiner seulement comme une pratique. Shojin Ryori c'est exprimer et déployer sans compter notre éveil dans l'acte de cuisiner et avec l'intention à la fois de se laisser nourrir et de nourrir le monde. Pas tant par la nourriture, mais de tout ce que cette nourriture porte à travers la substance et à travers notre foi. C'est dans cet état d'esprit que nous cuisinons et partageons le repas recueillis.

Cette attitude en préparant à manger et tout au long du repas (et bien au delà) nous éveille au monde en ouvrant grand les yeux de notre esprit.

C'est l'ordinaire très pragmatique et très concret de cette action "banale" de manger qui se fait réceptacle de splendeurs inouïes. 

Ça commence par "que vais-je cuisiner?" Quels ingrédients ? 

Voici que la simplicité du quotidien se fait maître et nous réveille à la vie. Dans la cuisine zen on ouvre les yeux, comme en méditation, en zazen. On contemple et on observe le monde et ce qui fait ce monde ici maintenant. 

Nous réapprenons à faire avec ce dont nous disposons, là devant nous.

Simplement en ouvrant les yeux et en regardant autour de nous. Et c'est avec cela que nous nous évertuons à réaliser le meilleur repas dont nous pouvons à cet instant nous faire les passeurs.

 

Il y a les ingrédients à notre disposition tels que les condiments ou les bases ordinaires, là chez nous dans nos placards, pour lesquels nous veillons à ce qu'ils viennent de productions directes et sans intermédiaires, bio, produits avec respect et engagement, dans la mesure du possible.

Il y a ensuite ce que la nature, la terre nourricière, nous offre de saison en saison ; c'est fondamental de suivre le cycle des saisons autant que possible, pour nous harmoniser avec l'Univers faiseur de bontés, et pour aligner la biologie complexe et intelligente de notre corps avec la production de la nature. Ce n'est pas un hasard si la terre produit des tomates en été et des agrumes en hiver ; les fruits et légumes de saisons agissent en activant particulièrement les organes plus importants (et leur fonctionnement lié à tout le système biologique et anatomique mais aussi psychique) pour affronter le climat, la fonction et le cycle de chaque saison. Harmonieusement. Dans la mesure du possible et sans créer de dogmes absolus.

Il y a d'autres ingrédients auxquels nous ne pensons pas en faisant la cuisine. Notre corps est un ingrédient, nos émotions, nos sensations nos perceptions et nos pensées sont autant d'ingrédients qui composent ce que nous préparons et la façon dont nous le préparons. Nos relations et nos liens, tous, sont des ingrédients.

Et puis il y a notre histoire. Notre maison et le monde dans lequel on vit. Les phénomène qui s'y déploient, impermanents et interdépendants. Les montagnes et les rivières, l'éclosion des fleurs et l'éclat de la lune. Le brouhaha du monde et le silence des forêts. Un être qui meurt et qui s'en va, un autre qui nait et réactive le vivant. Nos larmes et nos sourires sont des ingrédients.
Les voilà les ingrédients.

 

La cuisine zen déploie la palette de ce qui nous fait et nous nourrit. Nous nous mettons trop de limites. Trop de freins. Nous vivons généralement dans une visions endormie, somnolente, discriminante et donc étriquée. On regarde rarement plus loin que notre nez. Cette pratique déploie notre vision, et fait du monde tout entier le potager d'émerveillement qui nous nourrit et dont nous disposons généreusement et sans limites.

 

Nous mêmes, nourris à la table de l'Univers, devenons nourriture.

Tantôt sucrés, tantôt acides ; tantôt âpres tantôt piquants, parfois fades. Nous sommes nous mêmes ce potager , ce bol, ce plat, ce festin qui nourrit plus ou moins consciemment ce monde, et chaque être l'est à son tour.

 

C'est le miracle activé et manifesté par la pratique merveilleuse de la cuisine zen.

La cuisine de la dévotion parce qu'elle active et déploie notre foi en toutes les choses, nous portant de nos vues étriquées à la contemplation du monde sans limites.

La cuisine enthousiaste parce qu'elle régénère notre puissance de créativité et nous fait co-créateurs de l'Univers.

La cuisine du Divin, car elle nous harmonise et nous relie au tout visible ainsi qu'à l'au-de-là-de-Tout.

Et c'est à travers cette belle pratique que nous devenons les cuisiniers de la joie, les serviteur de la bonté et les cultivateurs de largesse.

À la fois nourris et nourriture.

À la fois terre et semence, fruit et hôte, père et mère, frère et soeur, ami de bien.

Eveillés.

Federico Dainin Jôkô Sensei

moine zen

enseignement donné lors de la sesshin d'automne en 2015

"Je tiens à remercier du plus profond du coeur tous ces maîtres et amis de bien qui m'ont transmis le gout du zen et de la pratique spirituelle de la nourriture au long de ces 23 années de pratique du zen. Et bien en deçà et au delà.

Maitre BonYo Soen Sa Nim et feu Maitre WuBong Soen Sa Nim, mes maitres Chogye qui de retraite en retraite m'ont redonné le gout de ce qui nourrit vraiment. Et bien-sur à travers eux le Grand Maître Seung Sahn Soen Sa, le maitre le plus précieux de mon coeur.

Enjo le tenzo du temple dont j'ai été l'abbé 5 ans durant Saja Hoo Son Won qui m'a appris la cuisine des temples coréens, et l'art absolu de la fadeur miraculeuse.

Laurent Strim, enseignant du dojo de Chatelet et Katia Robel mon maitre d'ordination à l'Association Zen Internationale du temple de la Gendronnière, qui m'ont transmis à la fois l'amour de la tradition japonaise et la simplicité de l'adaptation de la shojin à notre terroir avec douceur et simplicité.

A Valérie Duvauchelle, none zen et activiste spirituelle porteuse d'un grand savoir de la Shojin Ryori et fondatrice de La Cuisine de La Bienveillance, maitre de cuisine prolifique engagée.

A Marii Fuji héritière véritable et unique de la Shojin Ryori avec qui j'ai tant appris à travers de simples correspondance écrites et en suivant tout ce qu'elle produit de partout dans le monde.

A Eric Rommeluère, maitre zen, faiseur de bonté et homme engagé, amoureux de la nature, du monde et de cette merveilleuse pratique qu'il transmet à coeur ouvert et généreusement.

Merci à mes grands parents, à mes mamans et à mon papa chef généreux et talentueux, merci à tous les êtres qui nourrissent ma vie. A ma famille d'adoption qui m'a sauvé par la nourriture. 

A mon fils qui m'as enseigné à nourrir par amour.

C'est à travers tous ces visages, ces coeurs palpitants, ces vies tissées de tous les goûts du monde, et ces mains ouvertes que je trouve ma joie à cuisiner et partager le repas avec le plus large nombre pour que cette vie soit un banquet serein, joyeux et bienveillant."

Federico Dainin Jôkô

 

.

bottom of page