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Méditer

«Étudier la Voie du Bouddha c’est s’étudier soi-même S’étudier soi-même c’est s’oublier soi-même.

S’oublier soi-même

c’est être traversé 

par toutes les existences du cosmos.»     

(Maître Dôgen)


Le bouddhisme, quelle qu’elle soit la tradition, concentre le cœur de sa pratique et manifeste toute son expression principalement dans la méditation. Celle-ci peut prendre diverses formes ; le bouddhisme zen, épuré et essentiel, exprime la pratique de la méditation en «shikantaza», seulement s'assoir.

 

On traduit «seulement s’asseoir», il n’est néanmoins pas question de vivoter autour d’une posture qui serait une technique de relaxation et de bien être. Ce « seulement s’asseoir » avec le temps va se manifester que vous soyez assis dans le dojo, ou que vous marchiez, que vous travailliez, que vous fassiez l’amour ou la fête ; en vacances, au travail, en famille ou en zazen dans un temple.

 

Shikantaza c’est prendre place ; prendre place dans la vie, s’unifier à l’existence et bien que cela trouve son expression la plus pure et la plus simple à percevoir dans l’assise formelle, ‘zazen’, il n’y a aucun lieu, aucun espace, aucune activité de votre vie qui ne serait être empreinte de shikantaza, de « seulement s’asseoir ».

 

Shiknataza est devenir présence. Demeurer quiétude infinie, abolir de par sa pleine présence un monde dualiste et illusoire créé de toute pièce par notre esprit et qui est cause de nos souffrances, pour prendre place au cœur de l’univers parfaitement accompli et sans entraves ; libérés, réels et présents à la vie.


Demeurer quiétude n’est pas de toute facilité car nous ne sommes pas éduqués à cela ; notre monde, notre société nous poussent plutôt à nous éprendre du brouhaha, à vivre en surface, et nous cacher derrières étiquettes, masques et autres songes. 


Cette pratique commence par une bonne posture, une attitude sincère et dévouée ainsi qu’un support formel correct pendant les séances de méditation. Mais contrairement à ce que beaucoup enseignent, y compris des maîtres zen, zazen ne se limite pas à une bonne posture. Vous trouverez bien des dojos et même des temples où l’on vous apprend la raideur, l’obsession de la droiture, en délaissant la compassion et la réconciliation avec notre corps et notre histoire.

 

Le zen n’est pas une assise de samouraï, mais la posture des bodhisattvas (êtres éveillés) de bonté. Ceux-là même qui enseignent et pratiquent une méditation sclérosée sur une posture rigide et dogmatique conduisent le pratiquant à un cœur déparé de bonté, d’attention aux autres et à soi même et sans compassion profonde.


Il n’est pas question de s’évertuer à prendre la parfaite posture du lotus, au prix parfois de souffrances stupides et inutiles et aux résultats arrogants et prétentieux.
Il est question de laisser zazen nous faire, de permettre à la posture même de zazen de nous asseoir. Libres et heureux, profondément présents. D’abord sur notre coussin de méditation et puis avec le temps en chaque instant de notre quotidien.


Pas de mystères, pas de complications ni de recherches d’outils et de paradis métaphysiques ; pas d’objets de concentration, pas de techniques ni de buts. Zazen c’est seulement s’asseoir et laisser la conscience s’ouvrir à soi et par là même à l’univers tout entier.


C’est notre sagesse profonde qui accède à la sagesse universelle, franchissant la « porte sans porte » du silencieux ‘shinnyo’, 真如 ‘ce qui est juste ainsi’. Sans rien attendre.


On ne cesse pas de penser, ni de ressentir, ni de percevoir. C’est une autre idée fausse que celle qui consiste à croire ou enseigner que méditer c’est ‘ne plus penser’. Comment pourrait-on ? Cela signifierait cesser de vivre. 
Il n’y a pas de combats en zazen ; ni contre les pensées ni contre les émotions ni contre les sensations ni contre une posture imparfaite. 
Au contraire on prend conscience de toute pensée, émotion, perception et sensation, et sans retenir quoi que ce soit, sans alimenter l’activité mentale et sensorielle, on laisse couler tout ce qui apparaît dans notre esprit. Paisiblement.
Apparaît ainsi notre plus grande liberté. 
Loin de l’illusion d’être ce que nous pensons ou ressentons, la conscience libérée devient large et infinie.

 

S'assoir....

Assis sur votre zafu (coussin rond traditionnel), ancrez les genoux dans le sol avec cette sensation d’épouser la terre avec les genoux, pour cela il faut prendre la posture du lotus, ou demi-lotus, ou en tailleur. 5mais nous pouvons méditer tout aussi bien sur une chaise ou un banc, à condition de ne pas appuyer le dos au dossier.


Puis cherchez la droiture naturelle de la colonne vertébrale jusqu’au sommet du crâne avec lequel vous retrouvez cette sensation de « toucher le ciel avec la tête ». Pour que la droiture du corps ne soit pas raideur, et qu’elle procède jusqu’à la dernière cervicale, rentrez légèrement le menton, alignez le nez avec le nombril, et cambrez légèrement et naturellement le bas du dos.

 

Sans créer de tensions. Abandonnez vous à la posture et laissez la posture vous révéler, sans efforts, sans singeries ; il y a une posture que exprime toute votre grandeur et bonté dans un abandon élégant, humble, à la fois énergique et présent et souple et serein.


Le corps, comme tendu par un fil invisible, sied élégant et posé entre ciel et terre ; comme l’arbre qui s’enracine à la terre et à la fois s’ouvre aux cieux. La bouche est fermée, on respire par le nez, et naturellement la langue touche le palais.


Votre base est large et stable, comme la base d’une montagne ; entre les deux genoux et le périnée tout le corps s’assied sur un trépied inébranlable. Vous ne devenez pas inébranlables : vous découvrez que vous êtes profondément inébranlables.
Enracinés dans la base de la posture, c’est dans la vie, dans l’existence que l’on s’enracine.


Droits et élevés vers le ciel, on s’ouvre à tout ce qui peut advenir autour de nous à 360°.
Une montagne inébranlable. Il peut pleuvoir, neiger, faire tempête, bruler de soleil, souffler le vent, ou souffler la brise légère, ….la montagne, elle, reste inébranlable. Présente.


A présent laissez les avants bras prendre appuis sur le haut des cuisses, et le poids des épaules tomber. Détendus.
La main droite soutient la main gauche (paumes tournés vers le haut) les deux pouces se touchent, se frôlent et restent horizontaux, la tranche interne des mains est en contact avec l’abdomen juste en dessous du nombril, à cet endroit nommé « l’océan de sagesse ».

Le regard est tourné naturellement vers le sol à environ 45° devant vous. Ou même devant vous si votre morphologie le demande.
On ne fixe rien. Il n’y a pas d’objet de concentration. Fixer, quoi que ce soit, signifie figer et priver de vie.
Gardez donc le regard naturellement devant vous sans fixer quoi que ce soit, et restant d’un l’axe central de la vision et donc du corps posé.

Enfin commencez à être. Commencez à vivre. Pleinement.

Le moine zen Mokuho écrivit :


«Les yeux pleurent, de temps en temps.

C'est plutôt un bon signe.

Les yeux sont liés au foie, et l'énergie circulant mieux pendant zazen, l'organisme se purifie et les larmes coulent, l'agressivité ou la colère latente se dissipent.
D'autres manifestations peuvent avoir lieu, comme des brillances, des images se formant sur le sol et dans l'espace ou des troubles de la vision.

Il ne faut pas s'en inquiéter car elles disparaissent comme elle sont venues, comme les pensées elles-mêmes,

ou des nuages dans le ciel.
L'œil est la fenêtre par laquelle

le Bouddha regarde le monde phénoménal.

Les objets que l'on voit, les sensations ou les émotions qu'ils font naître, tout ce que l'œil perçoit est extérieur à notre vraie nature, soumis à la loi de l'impermanence,

et sans substance.

Il n'est pas nécessaire de s'attacher ni de rejeter ce qui apparaît et passe devant la fenêtre,

car ce qui est important pour nous qui pratiquons zazen,

ce n'est pas ce qui est vu, mais "qui" regarde.»

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